De la nécessité de réguler l’Intelligence artificielle


 

Par Olivier Strub, directeur du CIGES

Pas un jour sans qu’elle soit évoquée dans les médias. On nous rebat les oreilles de ses derniers faits d’armes. Meilleur diagnostic dans telle situation, meilleure pour cela, meilleure pour ceci, etc. L’intelligence artificielle, appelée couramment IA, est une technologie puissante et l’usage du terme « intelligence » est ravageur car il induit une équivalence avec l’humain. En fait, ce mot est dans l’air du temps des réseaux sociaux, il exagère ce qu’elle est, il surfe sur une rhétorique de science-fiction. Il devrait y avoir un bout de chemin avant que nous prenions l’apéro sur la terrasse avec « le robot qui rêvait » d’Azimov et nous avons conscience que le temps n’est pas venu.

Cependant, en nous concentrant sur le terme « intelligence », nous détournons notre attention de ce qui est fondamental : les changements à venir.  Comme il est clair que l’IA n’est pas une intelligence au sens où nous employons ce terme habituellement, nous n’avons aucun mal à nous dire qu’elle n’a rien d’humain et qu’à ce titre elle ne pourra remplacer les personnes dans leurs activités. Nous nous trouvons tout-e-s un petit quelque chose en plus qui nous permet de présupposer que nous ne ferons pas partie des personnes affectées, que cela concernera « les autres ».

Ionesco écrivait « Prenez un cercle, caressez-le, il deviendra vicieux ! ». L’IA et son intégration avec la robotique sont vecteurs de maux à venir. Précisément pour ces raisons - elles concerneraient un moment à venir et elles concerneraient les autres - nous nous dispensons de construire cet avenir. Nous percevons la venue de changements et fantasmons que nous n’en sommes qu’aux prémices. Nous croyons avoir du temps. Pourtant, si l’on se réfère à la loi de Martec, les technologies évoluent de manière exponentielle alors que les organisations - entreprises, sociétés, pays - évoluent de manière relativement linéaire, c’est-à-dire lentement. Beaucoup trop lentement.

C’est donc aujourd’hui qu’il faut agir, même si projeter les impacts futurs de l’IA tient toujours de la science-fiction. Comme toute technologie, elle doit s’inscrire dans un cadre validé démocratiquement, assurant une place à chacun-e et préservant les relations humaines. Pour profiter de ses bienfaits, il faut réguler son utilisation plutôt que de continuer à laisser-faire et attendre qu’il ne soit trop tard.