« Je ne sais pas comment remercier ces personnes qui nous ont sauvé la vie »

Le service des soins intensifs a organisé une table ronde réunissant une vingtaine de patients admis pendant la 1ère et la 2e vague de la pandémie.

Une hospitalisation aux soins intensifs est une expérience rare, difficile, qui a souvent des conséquences à long terme pour les patients. L’intubation – soit la mise en place d'une sonde dans la trachée pour assurer une respiration artificielle – a été fortement médiatisée depuis le début de la pandémie de Covid-19, au printemps 2020. Pour évaluer le vécu des patients et les éventuelles séquelles qui peuvent se manifester, le service des soins intensifs du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe) a réuni mi-août une vingtaine de patients hospitalisés et intubés lors des deux premières vagues dans le cadre de deux tables rondes.

L’idée de l’équipe était d’offrir un espace de parole à ces patients victimes d’un Covid sévère, de leur permettre d’échanger, de partager leur vécu et de poser toutes leurs questions. « Après un séjour aux soins intensifs, nous revoyons peu les patients, détaille Jessica Beck, infirmière aux soins intensifs. Souvent ils ne se souviennent que peu de leur passage chez nous, ou alors ils présentent un stress post-traumatique, jusqu’à un quart des patients, selon la littérature. C’était l’occasion d’approfondir la question par un travail de mémoire pour la formation d’infirmière clinicienne. »

Lors de leur intubation, les patients aux soins intensifs sont sous sédation. Le réveil entraîne des sensations très particulières. « Il me semblait de vivre dans un film, avec toutes les combis vertes et les chapeaux », témoigne ainsi un patient. « Il y avait une mare avec des canards à côté de mon lit », reprend un autre.

C’est le manque de contacts avec les proches qui revient avec le plus de force. « La solitude était pesante, souligne un patient. Durant 3 semaines, je n’ai pas vu mes enfants. Je suis passé par des moments de désespoir pour moi et pour mon entourage, qui a beaucoup souffert. » Ce message a été entendu et c’est pourquoi durant la deuxième vague, le service des soins Intensifs a été plus large concernant les visites des proches, sachant l’importance pour les patients de ces visites quotidiennes. Plusieurs mois plus tard, de nombreux patients gardent des séquelles du Covid et de leur passage aux soins intensifs. C’est le cas sur le plan physiologique: « J’ai encore des pertes de voix et d’odorat, je dois toujours cracher, tout ça depuis un an et demi. » Certains patients doivent ainsi encore bénéficier d’oxygénothérapie 24h sur 24.  Ou sur le plan émotionnel, avec des cauchemars qui se répètent et une grande fragilité: « J’ai une grande émotivité, je pleure pour un oui ou un non ». D’autres craignent la récidive: « J’ai peur de « rechopper » le Covid, j’ai peur de prendre le bus, j’ai peur du monde… Personne ne comprend. »

Soulagés d’être sortis vivants de cette épreuve, les patients affichent une grande reconnaissance envers les professionnels qui les ont pris en charge: « J’ai de la peine à vous regarder dans les yeux tellement vous êtes mes héros, vous nous avez aidé, vous nous avez soutenu, rassuré, réconforté… Je ne sais pas comment remercier ces personnes qui nous ont sauvé la vie. » Des témoignages qui ont été enregistrés pour pouvoir être transmis à leurs collègues des soins intensifs. « À l’aube de la 4e vague de Covid, il est important pour l’équipe de voir que nos patients s’en sont sortis et qu’ils nous en sont extrêmement reconnaissants », précisent Jessica Beck et ses trois collègues.

Ces tables rondes ont été organisées et co-animées par Jessica Beck (infirmière clinicienne spécialisée en soins intensifs) et la Dre Marie-Eve Brunner (médecin-cheffe adjointe des soins intensifs) avec le soutien d’Ilaria Luca (infirmière clinicienne au Centre neuchâtelois de psychiatrie, spécialiste en stress post-traumatique) et du Dr Stéphane Saillant (médecin chef au Centre neuchâtelois de psychiatrie).