L’hôpital public, comme Philibert, « plus il vend, plus il perd »


 

Par Muriel Desaules, présidente du Collège des directions  

Philibert, décédé en 1949, était un bonimenteur valaisan ; il a animé les foires et les marchés pendant des décennies, haranguant le chaland avec le slogan « Philibert, plus il vend, plus il perd ». J’ai eu l’occasion au cours de ma carrière de penser à lui régulièrement. Rien à voir avec des souvenirs communs, je ne suis ni bonimenteuse (quoique...) ni Valaisanne (ça, c’est sûr). Diable, quel peut bien être le lien entre le slogan de ce camelot du Vieux Pays et l’hôpital ?

Pour Philibert, il s’agissait d’une manière d’accrocher le-la client-e, en lui laissant penser qu’il était davantage philanthrope que marchand. Le boniment était tellement gros que personne n’était dupe mais le capital sympathie du bonhomme était indéniable. L’hôpital, de son côté, « vend » des prestations à ses patient-e-s. Il le fait à des tarifs insuffisants pour couvrir ses charges et déconnectés de l’évolution des coûts, notamment de l’inflation.

Dans un système qui exige des hôpitaux des comptes équilibrés et où les investissements sont censés être financés par lesdits tarifs, la situation est cornélienne.

De fait, le RHNe, comme les autres hôpitaux, est un héritier de ce brave Philibert. Ceci pourrait avoir un côté sympathique si, en parallèle, cela ne se traduisait pas par une pression incessante et croissante sur l’amélioration de son efficience.

Certes, nous avons encore du chemin à parcourir pour fluidifier nos processus et améliorer leur efficience. Car indépendamment de l’impact attendu sur nos finances, les ressources en professionnel-le-s de la santé constituent une denrée trop rare pour que nous nous permettions le luxe d’un gaspillage.

En revanche, demander à l’hôpital public de compenser le sous-financement des tarifs par une couche supplémentaire de pression n’est pas loyal. Le message a été entendu partiellement par le Conseil d’État, qui est entré en matière notamment pour une compensation de l’indexation des salaires dans l’attente d’une prise en compte dans les tarifs. Mais quid, en particulier, de la croissance des coûts de l’énergie et des taux d’intérêts ?

Le RHNe doit obtenir un juste financement de ses prestations, à travers les tarifs et le versement de prestations d’intérêt général (PIG). C’est le combat qui est conduit aujourd’hui par la faîtière des hôpitaux H+, qui milite pour une hausse de 5% des tarifs des prestations à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Espérons que la démarche aboutisse, car le RHNe ne peut pas rester « la Maison Philibert » indéfiniment : le maintenir dans cette situation, c’est mépriser votre travail quotidien auprès de nos patient-e-s, ce qui reste la raison d’être d’un hôpital.