Au RHNe, une prise en charge à 360° des chuteurs
Au RHNe, une prise en charge à 360° des chuteurs
Le département de gériatrie, réadaptation et soins palliatifs (DGRSP) propose une approche globale et pluridisciplinaire de la chute, véritable problème de santé publique.
En cette année de pandémie, le RHNe a dû faire face à sensiblement moins de chutes de seniors que les années précédentes. Le département des urgences a ainsi pris en charge entre 161 cas en janvier 2020 et 174 en décembre. Les blessures traitées ? Majoritairement des traumatismes crâniens sans perte de connaissance et des traumatismes d’un membre. Le très léger pic habituel de l’hiver, dû aux chutes occasionnées par les plaques de verglas et la neige, est présent. Et on remarque une baisse significative des chutes chez les 65 ans et plus durant la première vague de Covid-19 : 95 cas en mars et 103 en avril 2020. Moins de sorties, moins d’excursions, donc un peu moins d’accidents.
Mais qu’on ne s’y trompe pas : si la baisse des cas est si légère malgré la situation sanitaire, c’est que, chaque année, la grande majorité des chutes des seniors se déroulent… à domicile ! Et lorsqu’elles n’occasionnent pas de blessures, elles passent inaperçues pour l’entourage.
Or, la détection précoce des chutes permettrait la mise en place d’une approche pluridisciplinaire pour prévenir la récidive et d’éventuelles conséquences tragiques, comme le rappelle la Dre Yolanda Espolio Desbaillet, médecin-cheffe du département gériatrie, réadaptation et soins palliatifs. « Les professionnels devraient demander systématiquement à tous leurs patients dès 65 ans s’ils ont chuté au cours de l’année. Le cas échéant, il faut en trouver la cause », exhorte-t-elle. C’est grâce à cette méthodologie instaurée au RHNe que des chuteurs, détectés par hasard lors d’une consultation pour un autre motif, peuvent intégrer, le Programme Chute, lors d’un séjour en centre de réadaptation au Locle et à Landeyeux, et avoir ainsi accès à un programme spécifique combinant des thérapies individuelles et du travail groupal en interdisciplinarité avec les physiothérapeutes, ergothérapeutes et nutritionnistes
Une évaluation pluridisciplinaire
Dans le DGRSP, les patients sont traités dès 70 ans, mais où la moyenne d’âge est de 83-84 ans. La prise en charge des chuteurs est bien protocolée et abordée à l’identique, en lit aigu ou en réadaptation au Locle principalement et à Landeyeux.
Dans un premier temps, les médecins du service vont chercher tous les facteurs intrinsèques qui peuvent expliquer les chutes chez le patient. C’est-à-dire des maladies, des problèmes neurologiques, des troubles de la sensibilité profonde ou de la sarcopénie (détérioration de la force musculaire) empêchant une stabilité optimale. Deuxièmement, ce sont les facteurs extrinsèques qui sont passés en revue, comme une démence ou l’usage de médicaments.
Pour finir, les facteurs environnementaux sont examinés. Une dégradation de la vue ou de l’ouïe est-elle en cause ? Les chaussures du patient sont-elles adaptées ? A-t-il besoin d’un auxiliaire de marche ? L’éclairage à son domicile est-il suffisant ? Autant de questions auxquelles la cheffe de département et son équipe doivent répondre. Ainsi, au cours de cette troisième phase de l’évaluation, les ergothérapeutes spécialisés se rendront chez le patient pour établir les conditions nécessaires à un retour à la maison en toute sécurité. Ils décideront notamment s’il est nécessaire d’installer des barres d’appui, de surélever le lit, de retirer des tapis risquant de le faire trébucher ou de placer des détecteurs de mouvement pour que la lumière s’enclenche automatiquement la nuit si le patient se lève pour aller aux toilettes par exemple.
Bouger, manger et se socialiser
Relativement fréquente chez les personnes âgées, surtout après une hospitalisation, la sarcopénie est souvent la cause première des chutes à répétition. Elle est même la pierre angulaire de l’approche gériatrique. Pour la ralentir, l’alimentation adaptée et l’activité sont les armes principales. « Après l’évaluation interdisciplinaire, nous décidons ensemble des actions que nous pouvons proposer au patient, explique la Dre Espolio Desbaillet. Les nutritionnistes adaptent leurs recommandations à chaque cas, car manger cinq fruits et légumes par jour pour une personne de 90 ans peut être moins important que de privilégier les protéines pour le maintien de sa musculature. »
Établir une hygiène alimentaire, parfois contraignante, est d’autant plus difficile à un âge où l’appétit se réduit souvent suite à une perte de goût ou d’odorat. « Les sens vieillissent aussi, rappelle la spécialiste. Les gens ont moins envie de manger et surtout, ils vont souvent vouloir manger des produits différents de ce qu’ils aimaient étant jeunes. Ils préféreront par exemple le sucré au salé, car le sucré est le dernier goût que l’on perd. Et petit à petit, ils manqueront de protéines. Dans certains cas, on doit avoir recours à des compléments protéinés. »
Au RHNe, on privilégie la réadaptation précoce avec un programme en trois points : bouger, manger et se socialiser. Formés à la prise en charge des chutes chez les âgés, les physiothérapeutes travaillent avec eux le syndrome de désadaptation psychomotrice et leur enseignent des stratégies pour se relever en cas de chute. Un apprentissage qui permet de reprendre confiance et limite les accidents. Car dans beaucoup de cas, c’est la peur de tomber qui finit par provoquer la chute.
Dans l’unité du Locle, les chuteurs ont également accès au Parcours de marche. « Ils ont de la physio tous les jours, du lundi au vendredi. Et le week-end, ils reproduisent ces exercices dans le Parcours sous la supervision des infirmières », explique Yolanda Espolio Desbaillet. « La chute est un réel problème de santé publique. Au sein du RHNe, depuis des années, plusieurs groupes travaillent sur cette problématique. Notre infirmier chef de département Karim Mekdade a été l’un des précurseurs dans ces recherches. »
Les nouvelles technologies au service des chuteurs
S’ils ne sont pas toujours les plus connectés, les personnes du troisième âge se sont vite approprié les inventions améliorant le quotidien. Exit le bracelet d’alerte à actionner soi-même en cas de chute : ils lui préfèrent généralement d’autres objets connectés. « Après l’évaluation de leur risque de chutes, on peut leur proposer un téléphone portable adapté qui, en cas de décélération rapide, avertit leurs proches. On peut également utiliser, pour les chuteurs avec pertes cognitives, des tapis sonnette qu’on place au pied du lit, et qui alertent les soignants lorsqu’ils veulent se lever seuls. Il existe également des matelas qui réagissent à la pression et préviennent le personnel lorsque le patient sort du lit. »
Après douze mois de pandémie et autant de perte d’activité pour les seniors, qui ont généralement réduit drastiquement leurs sorties par peur du virus, les services de gériatrie constatent un regain de consultations. « Depuis la fin de l’été, on a vu arriver toute une patientèle extrêmement déconditionnée. A cause de la peur d’aller chez le médecin, ils arrivent plus tardivement avec un déconditionnement majeur, un manque de socialisation et de repères externes », regrette la médecin-cheffe.
Un conseil pour les seniors impactés ? « Toujours le même : manger, bouger et se socialiser. C’est la clé. Il faut qu’ils sortent, en respectant bien les mesures sanitaires évidemment, mais il faut vraiment qu’ils se socialisent. Pro Senectute organise aussi des cours de gym pour seniors, diffusés tous les jours sur Canal Alpha. Je les encourage à les suivre. Ils peuvent aussi jouer à la Wii par exemple avec leurs petits-enfants, en portant le masque, ou s’acheter un petit pédalier à utiliser pendant qu’ils regardent la télévision. Et évidemment, ils doivent veiller à se nourrir de façon équilibrée. Conserver sa musculature le plus longtemps possible, est un dur combat. La dégénérescence des fibres musculaires est présente même chez les grands sportifs. Mais meilleures sont les habitudes de vie, meilleur sera le vieillissement. Avec l’âge, le facteur génétique n’influence plus tellement votre santé. C’est votre environnement et la façon dont vous prenez soin de votre corps qui sont déterminants. »